Ouverture du blog TI 9 décembre
Ouverture du premier blog consacré à la revue culturelle intitulée » terrorisme intellectuel « .
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Exemplaires de luxe du N°2 de TI Du néant de la création identitaire tirés à 30 exemplaires numérotés, comportant chacun une photographie originale de HuNePha & SteYinSe, signée et numérotée par les artistes, en vente à la Librairie des Femmes, 33 rue Jacob, 75006.
Murmure de femme au-delà de la féminitude
Intégralité de l’entretien avec Anne-Catherine Caron, partiellement reproduit dans le n°2 de la revue TI paru en octobre 2009.
C’est durant l’été 2008, en Bourgogne, chez un ami lettriste de longue date, que j’ai entrepris de répondre à la jeune rédactrice de TI, Valérie Bouriel, au moment même où je préparais la deuxième édition de « Il Lettrismo al di là della femminilitudine ». Réunissant exclusivement des femmes du groupe d’avant-garde dénommé par commodité médiatique « lettriste », cette manifestation intriguait notre camarade. J’étais alors précisément en train de rédiger la présentation générale de l’exposition dans le cadre du texte accompagnant le catalogue et je la restitue ici pour la clarté du questionnement de mon amie propagatrice des externités surexploitées:
C’est dans le contexte de ce mouvement et, précisément dans cette visée, que la distinction des femmes, artistes de ce groupe, pleinement accomplie dans la présente manifestation, avait déjà connu des précédents par le passé. Le premier regroupement de femmes lettristes au sein d’expositions autonomes remonte à 1978 et se concrétisera par une exposition intitulée Sept femmes lettristes, présentée à la Librairie-Galerie Fabrice Bayarré; une autre à la galerie Bernard Felli aura lieu en 1989, sous le titre de Féminins lettristes. Plus récemment, c’est au Musée d’Art Contemporain d’Albisola que cette option prendra un tour plus politique et social avec « Le Lettrisme au-delà de la féminitude ». C’est ce même ensemble qui se voit prolongé et augmenté, notamment sur ce double plan, aujourd’hui, à la Villa Cernigliaro.
V. B. – Que signifie, pour toi, ce concept d’« au-delà de la féminitude » qui a servi de titre à la manifestation que tu as organisée en 2003 au Musée d’Art Contemporain d’Albisola et dont tu proposes une nouvelle édition enrichie à Sordevolo, toujours en Italie, en automne 2008 ?
A-C.C. – Lorsque l’on aborde l’histoire des « femmes », on se trouve devant quelque chose de presque redoutable, de très compliqué au niveau des discours qui se tiennent sur ces sujets depuis de début de l’Histoire de l’humanité. Lorsqu’il est question des femmes, on aborde tout d’une manière généralisatrice et confusionniste. En réalité, on étend à la sphère sociale et au rapport à la sexualité et au corps tout ce que recouvre l’être au féminin. Réduirait-on les hommes à l’art de la guerre ou à la compétition acharnée qu’ils mènent pour des valeurs fragmentaires depuis des siècles ?
J’ajouterais que cette complexité redoutable devient même un sacré brouillage du discours sur nous-même par les autres et par une partie des femmes sur elles-mêmes, un enchevêtrement d’affirmations dont nous, les femmes, sommes, souvent, par réaction émotionnelle, à la fois les initiatrices conscientes et inconscientes. Pour les hommes, c’est l’occasion de parler de l’Autre. Mais de quel Autre ? Un autre – objet de désir en raison de sa différence physique complémentaire – qui ne lui ressemble pas au niveau biologique, mais qu’il considère, souvent, aujourd’hui encore et de ce fait, comme un être inférieur sur de nombreux plans. En réalité, il faut tenter de comprendre où nous nous situons dans tout cela et sur quels terrains spécifiques de la Connaissance et de la Vie nous nous positionnons pour parler de ce que Freud a dénommé le Continent noir. Ces territoires doivent eux-mêmes être définis. Sinon, l’on demeure dans le trop fragmentaire, dans la pensée actuelle qui globalise des problématiques pourtant situées sur des plans différents. On fait ce qu’Isou [Ndlr Isidore Isou (1925-2007) est le fondateur du lettrisme en 1945] appelle de la dialectique. On fait comme dans les médias ou comme chez les intellectuels familiers des allers-retours La Hune-Cerisy, dans le meilleur des cas.
Pour moi, il existe un nombre si grand de stratifications sémantiques issues de la culture en relation avec la définition des femmes donnée par les hommes et par elles-mêmes que ces différentes clés d’explications elles-mêmes viennent s’abîmer dans une compréhension faussée de l’univers idéatique qui unit les femmes comme les hommes. C’est-à-dire au travers d’une multitude de composants psychiques qui s’organisent notamment en images, en rythmes ou associations, ainsi qu’en des thèmes représentant les objectifs rapprochant ou bien éloignant les ensembles dont nous venons de parler. En somme, il convient, en quelque sorte, de circonscrire le sujet humain que nous sommes dans des activités particulières, ici les arts visuels et, plus particulièrement l’exposition de femmes qui nous occupe, et dans un tel contexte, nous pourrions agir de la même manière au regard de nos compagnons de vie.
J’ai modestement tenté, au travers du texte que j’ai écrit pour le catalogue de l’exposition que je prépare actuellement et qui s’intitule justement « Le Lettrisme au-delà de féminitude », de communiquer quelques « murmures » à ce sujet qui s’insèrent dans un projet plus vaste de compréhension de l’ « externité féminine » que je conduis actuellement.
Pour résumer, « Isou et les femmes » ou bien Le Lettrisme et le « féminin » se situent, en dehors du fonctionnement mental et de son support charnel dont nous nous constituons tous, sur deux plans fondamentaux: d’une part sur celui de la politique au travers du Soulèvement de la Jeunesse et, d’autre part, sur celui de l’érotologie que le créateur de ce mouvement a développé d’une manière novatrice pour esquisser plusieurs des liens d’échanges potentiels entre les femmes et les hommes dans la société paradisiaque qu’il faudra bien bâtir un jour.
Il convient également de préciser qu’Isou a commencé à parler de la spécificité sociale des femmes dès 1949, dans son Traité d’Economie nucléaire, et plus spécialement dans le premier tome intitulé Le Soulèvement de la Jeunesse. Bien avant les réflexions médiatisées par les féministes ou les marxistes qui prospéreront avant et après 1968. Il les évoque, notamment, lorsqu’il définit la masse des externes, comme il parle aussi des noirs ou bien des prolétaires en lutte contre le monde des assis. Il insiste notamment sur les luttes fondamentales de femmes créatrices qui ont permis de faire évoluer les mœurs ou différents secteurs formels de l’art, telles George Sand ou bien de Berthe Morisot, mais aussi des suffragettes du début du siècle qui, au péril de leur vie, ont lutté pour que toi et moi ayons de droit de voter dans le système existant. Je propose d’ailleurs à ta réflexion quelques extraits d’un texte, jusqu’ici inédit, intitulé L’Apport du Lettrisme et du Juventisme au Mouvement de libération des femmes et publié, en 1972, dans le numéro 6 de la revue « Ligne créatrice » dirigée par Jacqueline Tarkieltaub que je reproduis moi-même dans le catalogue de l’exposition.
(…) Mais afin d’être comprise, la masse des femmes, cette structure du marché, doit être définie par rapport à la sphère globale des individus, c’est-à-dire non seulement comme groupe d’agents assis, mais également par rapport à l’externité et à la novation, embrassant aussi les jeunes hommes et les jeunes filles.
Une telle œuvre, qui a décrit a la fois les centrés et les décentrés, les êtres de deuxième sexe internes, assis, figés dans leurs fonctions, tout au plus revendicatifs, d’une part ; et d’autre part, les êtres du deuxième sexe détachés, ambitieux, multiplicateurs, grâce à la créativité pure ou détournée, une telle oeuvre, dis-je, a été effectuée pour la première fois sous le nom de l’économie nucléaire, isouienne.
Le courant lettriste a montré que les femmes tant qu’elles se contentent d’exigences sociales purement circuitales, statiques, du type prolétarien, ne peuvent aboutir qu’a un appauvrissement général de la collectivité et a leur propre appauvrissement, comme dans le régime du « communisme de guerre »; et que pour élever l’ensemble de la production et du niveau de vie de l’humanité, elles doivent être ou redevenir externes et novatrices, c’est-à-dire se reconvertir au système du soulèvement de la jeunesse et de ses exigences dans le domaine de la transformation de la société, en luttant pour l’école novatrice, le crédit de lancement, la planification intégrale des adultes, de jeunes et des révélateurs de l’inédit, la rotation aux places d’administration publique.
(…) Ce n’est pas seulement sur le plan de la collectivité des efforts et des récompenses qu’il faut restituer le combat des personnes du deuxième sexe; mais par rapport à toutes les disciplines de la culture et de la vie — c’est-à-dire de l’art, de la philosophie, de la science et de la technique — d’où les échanges tirent leurs biens, leurs moyens de subsistance et que la société doit placer et définir avec exactitude, afin de ne pas se perdre dans la dialectique démentielle et nuisible, sur le plan matériel et spirituel, qui continuera à lui infliger la mort violente de millions de victimes innocentes.
Dans le domaine du Savoir et de l’existence, le mouvement lettriste a révélé la kladologie, discipline de toutes les branches de la Connaissance et de la pratique, grâce à laquelle chaque structure de la production et de la création dévoile avec exactitude ce qu’on peut attendre d’elle, en nous épargnant ainsi des efforts et des dilapidations d’énergies lamentables et déprimants.
(…) Depuis le lettrisme et l’hypergraphie, en passant par le cinéma discrépant et ciselant et en arrivant à notre nouvelle psychopathologie et psychothérapie, la psychokladologie et la psychothéie, tous les apports de notre courant se situent à l’avant-garde de l’avant-garde et doivent être assimilés par les êtres désireux de se construire une vie personnelle et bâtir avec leurs semblables une société plus passionnante, meilleure.
Les femmes ne pourront pas aller au-delà de leur pseudo-libération superficielle, réactionnaire, vers une libération profonde, vers un plus grand savoir et pouvoir, qu’en se reconvertissant au système de la Kladologie — l’ensemble de nos définitions de la culture et de la vie — et à tous les apports de notre groupe, esthétiques, scientifiques, philosophiques et techniques.
(…) D’une manière littéraire, c’est-à-dire tâtonnante et exaltée, à la suite des troubadours, de la Religieuse portugaise, de Sade, de Stendhal, de George Sand, des surréalistes, les lettristes ont essayé de dévoiler de nouvelles dimensions de ce territoire dangereux, où les êtres de sexe contraire s’étreignent et se déchirent, s’anéantissent et s’adorent, déversent leurs beautés et leurs insuffisances physiques et psychiques, se dominent et se plaisent à se soumettre, tour à tour, dans un grand combat secret, intime, rempli de folies et de déceptions, de rêve et de mort.
Tout ce que j’ai pu penser sur le plan économique ou culturel n’a jamais pu m’empêcher de savoir que le domaine de l’amour existe d’une manière spécifique, avec ses rages de domination et de servitude, masculine ou féminine, propres, sans lesquelles l’un des composants les plus passionnants de la vie, le plus proche du paradisiaque, est anéanti, comme il risque de l’être par les dialecticiens et les totalitaristes de la science des biens ou par les partisans de l’un des genres, à sens unique, néo-nazi.
Par ailleurs, tout ce que j’ai pu vouloir dans les folies nécessaires de la sexualité débridée n’a jamais pu ébranler ma croyance que dans la discipline ou la vie sociale, la femme doit devenir l’égale de l’homme; comme, en raison de ma conception de la créativité, formulée dès 1947, certaines novatrices, telles Louise Labé, Madame de Staël, George Sand, Berthe Morisot — à laquelle j’ai dédié un livre apologétique —, Marie Laurencin, Marie Curie, sont supérieures, d’une manière multiplicatrice, à des millions de mâles, producteurs dépourvus d’intérêt. »
L’expression « au-delà de la féminitude » est pour la première fois utilisée par Isidore Isou dans un texte publié en 1978 pour le catalogue de l’exposition « Sept femmes lettristes » sous le titre de « Les peintres lettristes créateurs au-delà de la « féminitude ». C’était également la première fois que des femmes lettristes exposaient ensemble sans leurs camarades masculins. Je me souviens d’ailleurs que c’est à partir de cette date que le plan de réunion du groupe lettriste a commencé à incorporer une rubrique « féminitude ».
Dès les années soixante, le groupe lettriste, qui a intégré des femmes depuis sa création en 1945 (Guy Vallot), a pris conscience de la nécessité d’une organisation autonome possible des femmes au sein de ses activités. En effet, ce mouvement d’avant-garde a toujours suivi de très près les émergences de toutes les externités, des fanges des populations dont les buts directs ou indirects consistaient à bouleverser la société vers un meilleur basé sur les valeurs de la création, seul moteur en mesure de faire avancer les femmes comme les hommes au sein de la société.
Pour parler des femmes et de la création, on pourrait opposer le terme d’exclusion sociale – « victimiste » dans sa sémantique sous-jacente – à l’externité créatrice, en mesure de créer des valeurs ajoutées nouvelles et non pas seulement d’établir un constat des difficultés objectives des femmes à s’imposer dans un monde encore dominé par des hommes ignorants des concepts réels de la création au profit d’un mode de production et de reproduction d’une culture acquise et imprégnée d’imitations diluées des inventions de concepteurs novateurs comme Marx ou Freud.
Selon moi, si les femmes sont encore marginalisées en raison de leurs fonctions biologiques, c’est qu’elles subissent cruellement la surexplotation juventiste à laquelle sont vouées tous les éléments externes engendrés par l’ensemble de systèmes sociaux jusqu’ici expérimentés. Les expressions des avant-gardes dans des domaines artistiques forment, par exemple, une externité qui pousse le monde des internes à accepter les valeurs qu’elles défendent, souvent à leur corps défendant, comme cela a été le cas pour le Cubisme, l’Art Abstrait, le Surréalisme dont les images sont aujourd’hui banalisées au travers des représentations plastiques et productives du monde de la communication visuelle.
V. B. – Quel est ton objectif en organisant ce type d’exposition ?
A-C.C. – Le but principal de telles manifestations, au-delà de la défense des choix esthétiques revendiqués par cette école d’avant-garde, s’inscrivaient dès l’origine et s’inscrivent, aujourd’hui encore, dans un travail de propagation politique des thèses du Soulèvement de la jeunesse appliqué à la problématique des femmes. Les deux éditions de Le Lettrisme au-delà de la féminitude, dont la seconde, se déroulera à la Villa Cernigliaro de Sordevolo, dans le Piémont, avec l’amie solidaire Carlotta Cernigliaro, ont pour but premier d’affirmer la présence des femmes lettristes et de retracer leur histoire dans le cadre des revendications féministes qui ont accompagné les idées générées par les événements de l’après mai 1968.
V. B. – Y a t-il, selon toi, une spécificité de la création féminine ?
A-C.C. – Dans l’univers où je vis et aspire de voir s’épanouir les jeunes femmes de la société future – affranchies des sempiternelles crises conjoncturelles du capitalisme résultant d’une gestion irraisonnée de la sphère économique – où seront bannis les partis politiques parasitaires du système de surexploitation de toutes les externités actuelles, je ne vois pas d’instances « masculines » ou, comme on se plaît à s’en repaître, de « principes féminins », mais des valeurs créatrices dans tous les domaines de la vie spirituelle et pratique.
C’est pour tenter de restituer l’histoire des femmes dans le Lettrisme – puisqu’elles ont été nombreuses tout au long des années de lutte de ce mouvement créateur –, comme certains critiques ont retracé celles des femmes surréalistes ou futuristes – que j’ai entrepris cette recherche. Mais c’est aussi pour propager les idées esthétiques du Lettrisme en général, au travers d’une thématique, d’un angle qui, en soi, n’est qu’une partie d’un tout. Comprenons-nous, ce n’est pas que les êtres biologiques femmes ne sont pas tout, comme le disait Lacan, c’est qu’à travers elles s’expriment des conceptions esthétiques, politiques ou économiques qu’elles défendent et pour lesquelles elles combattent à l’égal des hommes du mouvement.
Bref, pour répondre plus précisément à ta question, j’avoue avoir du mal à déceler ce qu’il y aurait de spécifiquement féminin dans la création pure, en dehors, sur un autre plan de la vie, de toute lutte ou revendication sociale et politique. Je ne perçois, de fait, chez les créateurs femmes ou hommes, que l’introduction d’une thématique inspirée du féminin dans la phase amplique des arts, c’est-à-dire durant leur période d’enrichissements majeurs, à l’instar de la place de la femme idéalisée dès l’introduction du Roman courtois jusqu’à la muse des Romantiques. Des éléments qui servent une esthétique, mais qui, en soi, ne défendent pas des thèses qui, elles, ressortent d’autres domaines de la vie comme l’économie par exemple.
V. B. – Que penses-tu de la création « féminine » aujourd’hui ? Il me semble que les femmes ont beaucoup de mal à dépasser justement ce contexte politico-social (d’ailleurs l’un des thèmes des colloques de Cerisy cet été est « femmes, création, politique »). Les femmes doivent-elles nécessairement exprimer leur lutte dans la création ? Pour reprendre les propos d’Arthur Rimbaud : « Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle … elle sera poète, elle aussi ». Je trouve que l’auteur d’Une Saison en enfer résume assez bien la situation pour la plupart des femmes mais peut-être que les vraies créatrices sont dans d’autres problématiques ?
A-C.C. – Ce que tu relates ici de l’état des réflexions de certaines femmes me semble appartenir aux reliquats des conséquences de mai 68, dans les valeurs déformées de l’idéologie dominante véhiculée d’un côté par ceux que les médias ont hissé au rang de leaders, le politiquement correct de l’époque, mais, aussi, de l’autre, d’une tentative « externiste » d’organisation des femmes en « cellules autonomes » de paroles et de discours qui en a été une conséquence militante directe. Dans le dédale de l’art contemporain, les femmes sont considérées aujourd’hui presque comme les égales des hommes, elles réalisent les mêmes copies de Duchamp, de Dada, des Impressionnistes ou des Surréalistes que les hommes.
Je t’avoue que l’on pourrait développer à l’infini une critique de ces tendances revendicatrices d’une spécificité féminine dans le politique et les arts plastiques et, de mon côté, je ne le conçois pas ainsi, je ne vois rien de féminin dans la découverte du radium par Marie Curie ou dans les explorations dans les mathématiques et la physique de Madame de Châtelet.
En fait, on n’a jamais vu d’exposition d’hommes ! C’est donc bien que les femmes sont moins visibles, c’est une banalité. Je préfère une femme offrant un apport à un ou des domaines de la connaissance plutôt que des millions d’hommes producteurs abrutis par leurs conditions de vie actuelle.
Mais nous savons aussi combien certains hommes ont si merveilleusement décrit l’âme des femmes dans un certain type de société, je songe, notamment, à Flaubert. Bientôt, je l’espère ardemment, l’on pourra admirer dans des phases de développements successifs des secteurs esthétiques, des femmes qui sauront embrasser des thématiques viriles ou conquérantes pour les transformer en chef-d’œuvres infinitésimaux ou excoordistes, ou bien des psycho-kladologues consoeurs qui parviendront à analyser par le détail les méandres des différents moi de l’Homme. Bref, il y a encore du pain sur la planche. Ton travail personnel de critique me réjouit. Je vois en toi un être qui réfléchit avec finesse et ironie, je ne vois pas en toi une femme en soi, je vois un être – qui est une femme – et s’applique à comprendre et à propager des idées qui devraient faire avancer toutes les femmes, les hommes et les enfants de la terre, dans la lutte de tous les externes pour parvenir à la société paradisiaque.
http://lettrismeexternitefeminine.blogspot.fr
COMMUNIQUE DE PRESSE
Revue TI
Numéro 2
Culture, création, avant-garde
Automne-hiver 2009
Dossier : « Du Néant de la Création Identitaire »
Le numéro 2 de la revue TI (Terrorisme Intellectuel) paraît en octobre 2009. Tirée à 1000 exemplaires, la dernière livraison de TI s’attaque à la création identitaire.
Le dossier « Du néant de la création identitaire » comporte 3 textes et un entretien.
Les 3 textes critiquent les catégories identitaires qui s’imposent comme les seuls critères du jugement esthétique. Ces critères sont aujourd’hui poussés jusqu’à l’absurdité. Une critique devient nécessaire, le progrès l’implique.
Dans Discours identitaires et création, Eric Monsinjon traite des discours identitaires dans leur relation avec leurs finalités purement médiatiques et commerciales. Dans Profondeur esthétique, Guillaume Robin critique les considérations ethniques appliquées à l’œuvre d’art, et tout le multiculturalisme intenable qui en dérive ; tandis que Valérie Bouriel dénonce l’impossibilité d’isoler une création exclusivement féminine. Enfin un entretien avec Anne-Catherine Caron, artiste et romancière, membre du groupe lettriste, revient sur les femmes et la création d’avant-garde. Dans l’entretien, Murmure de femme au-delà de la féminitude, Anne-Catherine Caron développe l’idée du dépassement radical de la « féminitude ». Propos recueillis par Valérie Bouriel. La version intégrale de l’entretien sera en ligne sur : http://terrorismeintellectuel.unblog.fr/
TI 2 est disponible, à Paris, dans les lieux suivants :
Centre Pompidou, Librairie La Hune, Mona Lisait, Palais de Tokyo, Jeu de Paume, Librairie Yvon Lambert, Point Ephémère… Et dans tous les endroits où la révolte cultivée vient s’abreuver.
La version de luxe de TI 2 a été tirée à 30 exemplaires comportant chacun une œuvre photographique du duo HuNePha & SteYinSe, signée et numérotée par les artistes. Il s’agit d’une photographie inédite ayant pour titre JE SUIS . L’œuvre fonctionne comme une métaphore de l’être humain en train de construire sa propre identité.
L’exposition JE SUIS – les expressions d’une identité : installations, vidéos, photographies, initiée par les artistes HuNePha & SteYinSe, sera inaugurée le jeudi 22 octobre 2009. Organisée à l’occasion de la sortie de TI 2, l’exposition-événement ne durera que le temps d’une soirée. Les artistes HuNePha & SteYinSe abordent le thème de l’identité à travers différents modes d’expression contemporains : l’art de l’installation, la vidéo et la photographie. Chez eux, l’identité est en construction, en mutation permanente. D’ailleurs HuNePha & SteYinSe changent systématiquement leurs noms, à l’occasion de chaque projet artistique. Pour cela, ils mêlent les syllabes de leurs prénoms, de manière à obtenir une identité différente. Les artistes signeront 30 photographies inédites (en vente dans l’exposition).
Exposition JE SUIS – les expressions d’une identité : installations, vidéos, photographies de HuNePha & SteYinSe, jeudi 22 octobre 2009, à partir de 19h.
86-09 rue Victor Hugo 93170 BAGNOLET. Métro : Robespierre (Ligne 9). Accueil à l’entrée.
Défendez l’essentiel
Luttez contre l’inutile
Lisez Terrorisme Intellectuel
EDITIONS TI
15-17 rue Edouard Tremblay
94800 VILLEJUIF
06 87 11 53 71
06 81 56 27 30
Sessions expérimentales lettristes : sons, signes, silences par NOSFELL, Paris, décembre 2008.
A l’occasion du lancement de TI, Nosfell réalise une magnifique performance en
hommage à Isidore Isou, le fondateur du lettrisme. La performance se présente
comme un immense collage constitué d’improvisations vocales, de signes écrits et
de silence.
Vous pouvez télécharger le premier numéro de TI
« Grandeur du lettrisme »
Le futurisme a cent ans. Bien que le mouvement ait fait l’objet d’une célébration événementielle, avec l’exposition au Centre Pompidou qui vient de se terminer et l’inflation des publications accompagnant généralement une telle promotion, aucune considération sur la portée historique du futurisme n’a été rigoureusement envisagée. Aussi, TI propose sa vision sélective de l’avant-garde futuriste, rapide et claire.
Le 20 février 1909, le poète italien Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944) publie à Paris, dans le Figaro, le célèbre Manifeste du Futurisme. C’est l’acte de naissance officiel d’un grand mouvement d’avant-garde italien et européen en réaction aux courants académiques du XIXe siècle. Dans son manifeste, Marinetti célèbre la beauté du mouvement et de la vitesse, fait l’apologie du monde moderne et industriel, décrète péremptoirement qu’une « automobile rugissante […] est plus belle que la victoire de Samothrace. » Les futuristes déclarent qu’« il faut brûler le Louvre ! »
Contemporain du cubisme (1907) limité au seul domaine des arts plastiques, le futurisme se dote rapidement d’un rayon d’action plus étendu, son programme s’attaque à tous les champs de la culture. Mais les disciplines qui constituent l’unité de cette avant-garde se déploient souvent de manière inégale, des différentiels se créent entre les secteurs abordés. Par exemple, le futurisme peut se situer à l’avant-garde sur le plan artistique et montrer un scandaleux retard sur le plan politique. Songeons à l’enlisement d’une grande partie du groupe dans le patriotisme et le fascisme. D’ailleurs, cet engagement politique réactionnaire, ayant naturellement fait l’objet d’une condamnation morale, a sûrement nuit à la considération « objective » des qualités littéraires et artistiques du mouvement.
Aujourd’hui, cent ans après, il faut oser poser la question : que reste-t-il du futurisme dans l’histoire ? Pour y répondre, il ne suffit pas de penser le futurisme de manière globale, mais plutôt de l’envisager à partir des foyers majeurs qu’il a su allumer, discipline par discipline :
1. Dans le domaine de la poésie, Marinetti formule, dès 1913, ses Mots en liberté qu’il faut considérer, à la fois, comme un approfondissement du célèbre poème de Mallarmé, Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, et, également, comme un événement parallèle aux Calligrammes de Guillaume Apollinaire. Le Futurisme essaimera en Russie avec le Zaoum de Khlebnikov et la poésie de Maïakovski.
2. Dans le domaine de la peinture, les artistes futuristes, Balla, Boccioni, Carrà, quand ils cessent d’être marqués par le pointillisme de Seurat, subissent l’influence du cubisme encore en enfance. Le futurisme apparaît dès lors comme une peinture essentiellement cubiste dont l’intérêt principal réside moins dans l’invention formelle que dans l’introduction du mouvement et de la vitesse en art. Cependant les recherches sur la décomposition du mouvement participent à la destruction progressive de la peinture figurative initiée par les grandes tendances modernes : l’orphisme de Delaunay et Apollinaire ; le rayonnisme de Larionov et Gontcharova ; le cubo-futurisme de Malévitch le conduisant vers l’abstraction géométrique ; le cubisme et les thèses futuristes sur le dynamisme auront une influence décisive sur la peinture puis l’anti-peinture de Marcel Duchamp (voir l’article de Valérie Bouriel ci-dessous).
3. Dans le domaine de la musique, le compositeur Luigi Russolo se distingue par une invention majeure : le bruitisme. Avec L’Art des bruits publié en 1913, il signe le premier manifeste pour une musique réduite à des sons-bruits produits par des machines de son invention, les intonarumori (voir l’article de Guillaume Robin ci-dessous).
Eric Monsinjon
Hormis Marinetti, Luigi Russolo est très certainement avec Boccioni, l’artiste qui a le plus tenté de consolider les assises du premier groupe d’avant-garde du XXème siècle : le mouvement futuriste. Artiste plurivalent à la technique aiguisée et doté du sens inné de la nouveauté, il inscrira l’ensemble de ses recherches formelles dans la peinture avant de se risquer à renouveler le genre musical.
En 1912, Francesco Balilla Pratella compose un opéra intitulé Le héros. Malgré l’acharnement de celui-ci, sa composition s’étiolera dans la tradition post-romantique wagnérienne ; enracinement qui, tout naturellement déplut fort à Marinetti. De fil en aiguille, Marinetti charge Luigi Russolo d’invoquer les dieux industriels en recréant une musique dont « l’expression des grandes agglomérations compliquera les forces ». Russolo se met au travail et rédigera ainsi l’un des manifestes les plus influents de l’esthétique musicale du siècle : L’art des bruits. Au-delà de la polyphonie absolue de Pratella, Russolo invente le bruitisme, capable à lui seul d’entériner toutes les recherches musicales avant et après lui (Russolo introduira en musique les prémisses intuitives des onomatopées propres au « motlibrisme » de Marinetti). Ce bruitisme deviendra le cri révolutionnaire du mouvement futuriste.
À la suite de ce traité, Russolo concevra pour ces concerts bruitistes toute une flopée de machines sonores (aux noms aussi étranges que grondeurs, strideurs, croasseurs, éclateurs, etc.) Ces « intonarumori » littéralement « joueurs de bruit » permettront de combiner ces détonations aux innombrables vibrations et rythmes internes à celles-ci afin de répondre selon lui, à un véritable « besoin de notre sensibilité ».
Souvenons-nous que Léonard de Vinci s’était déjà attelé à la création d’un luth aux « harmonies divines » pour le Duc de Milan, le puissant Ludovic le More. Vinci, esprit universel, était disait-on, un musicien appliqué, ce qui l’aida à composer certains airs pour les grandes fêtes de ses contemporains qu’il organisait. Russolo suivra l’itinéraire de son ancêtre afin de retrouver l’essence même du génie italien, disparu depuis la Renaissance et nécessaire à cette patrie que l’on nommait à tort au début du XXème siècle la « Terre des Morts ».
Les nouveaux espaces sonores trouveront des échos, des résonances dans le travail de la plupart des grands compositeurs contemporains. John Cage, Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Isidore Isou, Karlheinz Stockhausen prolongeront l’esthétique de Russolo accélérant le mythe inhérent de l’artiste créateur.
Guillaume Robin
L’oeuvre de Marcel Duchamp s’inscrit dès 1911, de manière singulière, dans le sillage de l’esthétique cubiste. Il semblerait que ce soit les peintures des futuristes – qu’il aurait découvert à l’occasion de l’exposition de ces derniers à Paris en 1912 – qui l’aient conduit à s’intéresser à la « représentation statique du mouvement ».
En 1912, il réalise Le Nu descendant un escalier, une oeuvre qui se présente comme la synthèse des influences cubistes, futuristes et des chronophotographies de Muybridge et Marey .
A l’occasion de l’exposition de l’Armory show à New York en 1913, présentant les nouvelles recherches européennes, son tableau suscite un vif scandale.
Avec Roue de bicyclette, en 1913, Duchamp abandonne alors toute tentative de représentation du mouvement pour lui préférer la présentation du mouvement lui-même: « La Roue de bicyclette est mon premier ready-made, à tel point que ça ne s’appelait même pas un ready-made [...] J’aimais l’idée d’avoir une roue de bicyclette dans mon atelier. J’aimais la regarder comme j’aime regarder le mouvement d’un feu de cheminée. » Avec cette oeuvre, Duchamp introduit l’objet dans l’art, toutefois encore empreint des thèses futuristes sur le mouvement.
Par la suite, il élèvera les objets industriels au rang d’œuvre d’art, par simple déclaration, (exposition de son Urinoir ou Fontaine en 1917 aux Indépendants de New York) et les nommera ready-made.
Cependant, l’objet de Duchamp, ne trouvera sa charge négative d’anti-art qu’après la naissance du mouvement Dada en 1916.
Valérie Bouriel